De l’enfance jusqu’au début de mes 30 ans, le concept de minorité modèle a influencé ma façon de prendre des décisions en ce qui concerne plusieurs aspects de ma vie. Souvent, ces décisions étaient reliées de près ou de loin à un besoin de stabilité en général, et souvent, en matière de finances. Je juge que la raison pour laquelle cette valeur m’a été inculquée est bonne et valable. Par contre, au fil des années, faire preuve de stabilité est devenu un automatisme dans ma prise de décision, ce qui laisse par moment moins de place à la spontanéité. Toutefois, avec le temps, j’ai appris à jongler avec deux mondes:  celui de mes parents et le mien, c’est-à-dire celui où je suis née et où j’ai grandi. Malgré des choix qui sont parfois difficiles à faire, je demeure optimiste et souhaite trouver un juste équilibre entre ce que les deux mondes ont à m’offrir afin de pouvoir forger le mien.

 

J’ai dû déconstruire mon identité première tout en me forgeant la mienne au fil de mes expériences. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui, au fil des ans, m’ont permis de me développer moi-même avec le soutien émotionnel dont j’avais besoin. N’empêche que j’ai fait face à la confrontation en raison de mon image de minorité modèle dans mes relations professionnelles, amicales et amoureuses. Au travail, j’ai vécu une situation lors d’une réunion où des hommes étaient présents.  En effet, parce que je m’exprimais avec fermeté et conviction, l’attention a été portée sur la façon que je m’exprime plutôt que sur le contenu de mes idées. Une situation à laquelle je me suis heurtée fut lorsque je cherchais un emploi. Une conseillère en emploi m’a demandé si j’avais déjà pensé à changer mon nom de famille pour augmenter les possibilités d’être rappelée pour des entrevues.

 

Je suis d’avis que beaucoup d’individus ont besoin d’avoir le sentiment d’avoir compris les autres, pour minimiser l’inconfort de l’inconnu. J’ai souvent eu des moments d’incompréhension, de conflits et, parfois, de déceptions, car lorsque les personnes apprenaient à mieux me connaître, elles comprenaient que mes actions ne correspondaient pas à l’image qu’elles se projetaient ou s’étaient peinte de moi. Ces situations se produisaient non seulement avec des personnes non asiatiques, mais auprès d’Asiatiques aussi. Naturellement, j’ai bâti une carapace, surtout dans le contexte de fréquentations (dating), contexte où je m’éloigne et évite de nourrir les curieux assoiffés de mon identité de femme asiatique.

 

J’ai grandi dans un quartier multiethnique où j’ai naturellement développé une curiosité de connaître différentes cultures. Mais, il n’y a pas de contenu médiatique qui m’intéresse, car il ne me représente pas. Je me sens plus à ma place lorsque je suis dans un contexte anglophone, auprès des personnes issues de la diversité ethnoculturelle ou dans mes implications sociales. Je ressens plus d’affinités auprès de ces groupes. Pendant longtemps j’ai dû mettre de l’énergie pour suivre l’actualité québécoise, suivre la culture québécoise afin que je puisse prendre part à des conversations. Mais avec le temps, j’investis moins de temps à vouloir m’intéresser à la culture québécoise. C’est devenu une relation à sens unique où je dois en apprendre sur la culture locale pour que je puisse faire partie de la société québécoise, mais l’inverse ne s’est pas souvent manifesté.

 

Je n’ai jamais été proche d’une communauté asiatique en partie parce que j’ai toujours été curieuse d’apprendre sur d’autres cultures depuis l’enfance, beaucoup plus que d’apprendre sur mes propres origines. Aussi à travers différents contextes, qu’ils soient professionnels, ou dans mes implications sociales, il est rare que je rencontre des personnes asiatiques.

 

Dans une certaine mesure, oui. Je crois que cela dépend de quelle communauté asiatique. Mais dans l’ensemble oui. Dans les médias, l’image et la perception de la population des communautés asiatiques sont renforcées par les stéréotypes. Aussi, la discrimination positive qui est renforcée par les stéréotypes affirmant que les personnes asiatiques sont toujours travaillantes, accueillantes, respectueuses ou prospères. Conséquemment, il y a moins d’attention qui est portée sur l’individualité des personnes asiatiques issues de ces groupes minoritaires. Cela déteint aussi sur des communautés asiatiques qui ont des contextes sociaux économiques moins prospères.

 

Cela m’est arrivée à l’occasion en tant que femme dans les domaines des technologies, d’avoir été confronté par des collègues hommes qui ne se gênait pas de re-questionner mes ambitions profesionnelles au lieu de m’encourager.

 

Laisser place à plus de personnes issues de la communauté asiatique et aussi issues de différents groupes minoritaires et contextes économiques. Il est important de montrer que l’on peut réussir et être épanouie peu importe ton parcours et encore plus issu des groupes minoritaires. Je crois aussi que les personnes asiatiques devraient oser prendre leur place aussi.

Collaboration:
JE SUIS MTL x JÉ T'AIME
Participant:
Annie
Date: