J’ai été bercée par la société et la culture québécoise depuis ma tendre enfance. Je les aimais inconditionnellement, car elles étaient miennes. J’en étais fière, je les trouvais belles, je m’y identifiais sans pour autant m’y sentir représentée. Ce qui m’attriste aujourd’hui, c’est de voir qu’elles ne semblent pas me reconnaître réellement comme leur fille. Pourtant elles m’ont élevée, elles m’ont réconfortée, elles sont la genèse de mes fondements et références… C’est avec le recul que je me rends compte d’un manque de validation profond. D’un sentiment d’amour qui n’est pas réciproque. D’une curiosité superficielle pour l’exotisme. Ce rejet, je l’ai intériorisé pendant des années pour être aimée. J’ai rejeté tout ce qui me reliait à l’Asie, dans l’espoir qu’on ne verrait plus mes yeux bridés et mes cheveux foncés. La honte de mes origines me collait à la peau et elle s’accroissait lorsque je voyais mon image reflétée dans le regard des autres.

 

Puisque j’ai été adoptée par des caucasiens, mes parents n’ont pas pu me préparer à la réalité du racisme. Lorsque j’en ai pris conscience, je me suis sentie démunie devant ce monstre aux multiples visages. Il y a celui qu’on voit dans les journaux, qui frappe, qui crache, qui crie et qui tue. Celui-là, tout le monde en a peur. Pour les oppressés d’en être la victime, et pour les autres d’en être accusés. Il y a celui « qui ne l’est pas », et « qui ne l’est tellement pas » qu’il n’a jamais besoin de se remettre en question. On le reconnaît souvent par son aisance à « faire de l’humour ». Du haut de son privilège, il peut affirmer qu’on peut enfin en rire. Le truc c’est qu’on doit absolument rire, sinon c’est nous qui ne sommes pas drôles. Il y a celui qui nous aime trop. Il adore notre culture, notre nourriture, le karaté, les mangas et les salons de massages. Il nous trouve belles et exotiques, et si on a le luxe d’être intelligentes c’est tant mieux. L’objectification et la déshumanisation de la femme asiatique ne doivent pas être des concepts qui l’empêchent de dormir la nuit.

 

Même si notre identité est pétrie par plusieurs mains extérieures, ce sont les nôtres qui sculptent l’œuvre d’art.

Collaboration:
JE SUIS MTL x JÉ T'AIME
Participant:
Laurence
Date: