Chère bébé patate,

J’ai décidé de briser le silence par ce témoignage, car j’ai envie de te partager mon histoire sur ma double identité asiatique et québécoise.

J’ai mis beaucoup trop d’années à comprendre que le racisme asiatique existait. Le fait est qu’on a voulu me protéger de cela en m’élevant comme une enfant blanche québécoise dans une banlieue paisible où les minorités se faisaient rares. Est-ce une mauvaise chose ? Pas nécessairement, car c’était notre mécanisme de défense à l’époque. Je pense aussi qu’on a fermé les yeux sur plein de situations racistes asiatiques juste pour ne pas faire de chicane autour de nous et ainsi pouvoir vivre une vie normale et tranquille.

La moitié du temps, les gens croyaient que j’étais soit Québécoise pure laine ou soit ils me demandaient d’où je venais. Cette fameuse question m’a chicotée pendant tant d’années parce que je ne savais pas quoi répondre en premier, par exemple, sur un formulaire où je devais cocher mon origine. Je dois t’avouer que pendant mon adolescence, je criais haut et fort que j’étais vietnamienne pour les mauvaises raisons. Je voulais tant qu’on me trouve cool et exotique. Mais au fond de moi, je ne sentais pas encore une forte appartenance à cette communauté, ne parlant ni la langue, n’ayant aucun vrai ami asiatique et ne connaissant pas l’histoire de cette culture. Aussi, je n’avais jamais participé à un dialogue sur la réalité des personnes racisées que ce soit avec mes parents ou à l’école.

J’ai réalisé qu’après toutes ces années, le concept de la minorité modèle s’est reflété au travers de mon éducation et que le tout m’a rendue ignorante sur les situations racistes dont je pouvais être témoin. Mes amis du primaire m’appelaient La Viet et j’étais fière d’être leur seule amie « bridée ». À l’Université on m’appelait boule de riz. Ça peut sembler anodin ou rigolo, (moi-même je trouvais ça drôle à l’époque), mais au bout du compte, c’était dégradant de savoir que mon identité est réduite à de la simple nourriture asiatique.

Il faut comprendre que mes origines mixtes n’ont pas rendu mon parcours identitaire facile, mais que finalement, je considère que c’est la plus belle richesse du monde. De pouvoir cohabiter avec ces deux cultures m’a ouvert les yeux sur un monde infini de possibilités et m’a ancrée dans cette vie que je chéris au quotidien. C’est avec le cœur rempli de fierté que je vais t’inculquer cette richesse.